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Channel: Inspire Institut, réconcilier développement économique et biosphère. » Yann-Moulier Boutang
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L’invité d’EXAPTATIONS juin 2012 – Yann Moulier Boutang

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Yann Moulier-Boutang est un économiste et essayiste français. Il enseigne l'économie politique à l'Université de Technologie de Compiègne. Il codirige la revue Multitudes et a écrit notamment « Le Capitalisme cognitif ou la nouvelle grande transformation » (éditions Amsterdam, 2008) et plus récemment « L'abeille et l'économiste ». 

INSPIRE : Comment définiriez-vous une "économie de pollinisation ?"

Yann Moulier Boutang : C'est une économie qui a compris (au double sens de l'intelligence et de la prise et mise en compte) que la richesse de la valeur économique déborde infiniment la sphère marchande, comme la valeur économique de la pollinisation des abeilles vaut entre 790 fois et 5000 fois la valeur du produit marchand de ces derniers à savoir le miel et la cire. 

I : Comment cette nouvelle conception de l'économie pourrait-elle s'appliquer au monde de l'entreprise ? Et comment mesurerait-on la valeur créée ?

YMB : Cette nouvelle conception est déjà à l'œuvre dans les entreprises comme Google, Amazon, Apple  et plus généralement dans les nouveaux territoires productifs qui articulent dans des processus complexes d'interaction pollinisatrice universités, enseignement et recherche, apprentissage et création, start-up et plate forme ou nuages numérique d'innovation ou de crowdsourcing, bref toutes les formes de captation des externalités positives générés par l'activité des multitudes.  

I : Pensez-vous que des monnaies alternatives, ou tout au moins complémentaires, seraient utiles pour la mise en œuvre de cette économie de pollinisation ?

YMB : Les diverses formes de monnaies alternatives (SEL ou monnaies de CO dans des projets comme celui qui concerne une territoire rural de 150 000 habitants en Alsace  (réduire d'un facteur 4 les émissions de C02)) servent surtout à rendre visibles les externalités négatives ou la façon dont on les évitent. Je ne pense pas qu'elles puissent se substituer à la monnaie en général, mais elles servent à soustraire à un circuit monétaire qui ne comprend (au double sens du terme) que ce qui est marchand et donc qui a tendance à intégrer, avaler et détruire dans le marché, le hors marché. Comme si l'on commençait à vouloir piloter et contrôler les abeilles dans leur pollinisation. En leur imposant par exemple des itinéraires, des raccourcis. Ce qui pour nous correspond à obliger tout le monde au reporting et aux tableaux Excel à tous les étages. Ce qui n'est pas pour rien dans le stress qui fait mourir les abeilles et les humains aussi.  

I : Dans votre ouvrage, "L'abeille et l'économiste", vous proposez un instrument fiscal simple, en remplacement de tous les autres, consistant en une transaction universelle, au taux unique de 1%, sur toutes les transactions. Quel écho cette proposition a t-elle rencontré jusqu'ici ?

YMB : L'idée est simple ; l'économie financière malgré tous ses défauts, traduit à son niveau, le raz des pâquerettes de la détermination d'un taux d'intérêt et d'actualisation, la transformation de la valeur économique. Pour 150 milliards (en dollars)  par jour de PIB et 150 milliards d'échanges extérieurs de biens et services, on a 1500 milliards de transactions financières liées à la prévention du risque de change (fluctuations des monnaies)  et 3700 milliards de transactions sur les produits dérivés (achat à terme, prises de position sur le futur pour se prémunir du risque et rendre l'économie de plus en plus interdépendante). Penser que tous ces allers et venues sont de la spéculation superfétatoire qu'on pourrait supprimer du jour au lendemain relève de la pure illusion d'autant que ces produits dérivés ont été contaminés par la crise des subprimes, des taux d'endettement des ménages et des Etats très élevés et par de la spéculation immobilière, mais en même temps ont créé une telle interdépendance que la faillite générale à la façon de la crise de 29 a pu être évitée et le sera. 

En même temps notre fiscalité date de l'économie industrielle et d'un capitalisme qui ne prend pas en compte les externalités.

Il faut taxer de façon très faible les allers et venues de pollinisation car là se trouve la masse de la richesse.

Il ne faut pas une taxe lourde (genre TVA à 5-7%) sur les transactions spéculatives (comment fera-t-on la différence entre de la spéculation mauvaise et de la bonne), il faut une taxe indolore (0,5% en temps normal  à 2 % en temps de crise) sur toute circulation. Cette taxe n'est pas la taxe cosmétique dont parlent les Etats enfin (même si c'est un signe qu'ils soient obligés d'en parler); c'est une révolution dans la fiscalité qui remplace toutes les formes de prélèvements par cette taxe sur la circulation monétaire. René Montgranier dans un article que nous avons repris dans le numéro 46 de Multitudes aujourd'hui disparu avait calculé que ce type de taxe ramassait les ressources actuelles des impôts existants, permettait de les supprimer, dégageait de quoi également faire face au budget social (financement de la protection sociale) et laisserait des marges pour des investissement nouveaux et un désendettement. A mon sens, si sur ces 2%,  on en affectait 0,75% au budget classique de l'Etat et 0,75% à la protection sociale, on pourrait affecter les 0,50 restant au financement d'un revenu d'existence individuel.

I : Le thème des INSPIRations 2012, en septembre prochain, est celui de l’économie de pollinisation. Quelle matière ou piste de réflexion avez-vous envie de partager avec nos participants pour que notre événement, dans l’esprit de la thématique,  contribue à faire évoluer les propositions partagées dans votre livre et permette de généraliser l’économie de pollinisation?

J'aurais envie d'explorer avec vous dans nos journées :

  • Quels dispositifs concrets pour favoriser la pollinisation 
  • Quels critères établir pour faire le tri dans les formes de pollinisation (celle des abeilles, mais aussi des bourdons) du travail collectif des vivants (particulièrement des insectes ou des animaux)
  • L'accès ouvert aux données de pollinisation
  • La protection des abeilles humaines face aux nouvelles industries de data 
  • Les statuts juridiques des plateformes de pollinisation.

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